Après le premier spectacle du festival Exquises Esquisses, c’est au tour d’Éloïse Plasse de mettre en scène une pièce avec un groupe de comédiens.
Du vendredi 19 au dimanche 21 avril 2019, la metteuse en scène et ses cinq comédiens ont interprété leur version du texte « Coca Life Martin 33cl » de Gwendoline Soublin, au Théâtre des Marronniers. Une adaptation unique puisqu’en partie écrite par les comédiens, pour souligner la fin de leur cursus de formation à Arts en Scène.
Interview de la metteuse en scène et des comédiens du projet
Pourquoi avoir choisi cette pièce ?
- Éloïse : C’est une pièce qui a été écrite en réaction à la surconsommation, à ce surplus de déchets que l’être humain créé. C’est une pièce qui parle de notre monde actuel, de comment se présentent les choses aujourd’hui et notamment au niveau de l’environnement. C’est un constat sans forcément qu’il n’y ait de prise de position au niveau politique, sans jugement. Et c’est intéressant de voir comment nous, en tant que citoyen, ça peut nous faire réagir à travers le théâtre, de la même façon que ça a fait réagir Gwendoline Soublin lorsqu’elle a écrit cette pièce.
Vous avez choisi de ne pas prendre un texte original, mais de le retravailler : pourquoi ce choix ?
- Éloïse : En fait, on travaille sur le texte original : il est en entier dans la pièce. Mais comme il est assez court, on souhaitait creuser plus loin dans ce que nous proposait Gwendoline et l’exploiter pour écrire des choses personnelles, en rapport avec cette idée de se servir de notre environnement au sens global pour exprimer ce qui nous tracasse. On est donc partis de la question : « comment je fais, moi, en tant qu’individu, face à ce monde « tout pourri » au niveau écologique, politique et autres, pour m’en sortir ? Quelles sont mes solutions, mes remèdes ? ». Et à partir de ça, on a décliné sous forme de tableau, et le texte de Gwendoline Soublin arrive comme une solution apportée à cette question-là. Parce que pour nous, faire du théâtre, travailler sur un texte, c’est une solution pour nous en sortir.
Pourquoi avoir choisi de rejoindre ce projet ?
- Julien : Déjà, comme l’a dit Éloïse avant, par rapport à toutes ces questions qu’on peut se poser notamment en ce qui concerne la surconsommation, car c’est une thématique qui nous touche directement. Il y a aussi un autre point, notamment par rapport au texte initial : c’est une pièce qui peut se jouer en choralité et ça m’intéressait de travailler ce penchant du théâtre, que je connaissais finalement assez peu.
- Cyril : J’ai aussi eu un coup de cœur pour le texte, pour l’écriture, à la fois pour ce que ça racontait mais aussi pour la modernité qu’on y retrouve. Le fait d’utiliser un objet de consommation courante et tout d’un coup de lui donner une personnalité, c’est-à-dire qu’il existe. Et donc à travers cet objet-là, on se retrouve avec des problématiques qui sont nos problématiques en tant qu’être humain. J’avais vraiment une véritable envie de travailler sur le corps, le cœur et l’objet. Et puis j’ai trouvé que ce texte était à la fois de l’ordre de la fable et de la prophétie et j’ai trouvé ça très intéressant de voir comment on pouvait, nous, se l’approprier.
Quel est votre ressenti face à ce projet collectif en autonomie, sans professeur qui valide vos choix ?
- Julien : Ce n’est de loin pas toujours une chose évidente, d’autant plus que c’est un projet collectif, donc beaucoup d’avis, beaucoup de façons de voir les choses, qui ne sont pas toujours raccord les unes avec les autres. Mais ça fait partie du jeu ! C’est une expérience hyper enrichissante car on travaille véritablement tous ensemble : on n’est pas seulement guidés par le metteur en scène ; bien sûr qu’il tranche et qu’il a ses idées, son style et ses images, mais dans le cadre du collectif on a chacun notre mot à dire, on peut chacun apporter notre pierre à l’édifice. Et c’est intéressant et gratifiant parce que finalement, on participe tous à la création du projet.
- Cyril : Ça nous apporte une liberté à la fois collective et individuelle de pouvoir travailler comme on le fait aujourd’hui. Ça nous amène à régler par nous-même des problématiques, des contraintes qu’on peut rencontrer, toujours en utilisant cette intelligence individuelle et collective, afin de trouver des solutions. Ça nous confronte à notre personnalité, à notre vision et à celle des autres : parfois ça frotte, mais en même temps ça nous enrichit ! Ça nous permet aussi d’élargir notre champ à nous, de ne pas rester enfermé sur nos propres idées : ça nous fait avancer mais ça peut aussi nous prendre beaucoup de temps pour des choses qui parfois sont de l’ordre du détail, alors que d’autres vont beaucoup plus rapidement parce qu’on arrive à trouver des synergies communes. Ce que j’aime aussi, c’est le fait de travailler sur la choralité : travailler ensemble sur le corps et pas seulement de manière individuelle, chorégraphier des choses. C’est aussi intéressant d’être à toutes les étapes du projet : le jeu bien sûr, mais aussi la création de décors et l’écriture, puisqu’on a chacun écrit des morceaux de texte.
- Éline : Au vu de ce qu’on a traversé avant, c’est la première fois qu’un metteur en scène me laisse autant de place dans la création. C’est à la fois hyper difficile de gérer les propositions de tout le monde, de se mettre d’accord tous ensemble mais c’est aussi la première fois qu’on a autant de place en tant qu’interprètes. On est plus libres dans les propositions, ce qui fait qu’on a beaucoup cherché ensemble pour mettre les scènes en mouvements, des scènes qu’on réécrit encore et encore pour les faire vraiment à notre image.
- Éloïse : Avoir le cadre d’Arts en Scène aide beaucoup aussi : on se connait tous, on est bienveillants les uns envers les autres, et c’est sûr que c’est un contexte qui facilite pour une première expérience de ce genre-là. Ça permet d’explorer à la fois le travail d’écriture, et le côté collectif sur un projet. C’est très formateur de le faire « sous couvert » de l’école, parce qu’on peut encore se rendre compte de ce qui marche, ce qui ne marche pas, et on apprend de nos erreurs.
- Julien : Le fait que ça soit la première fois qu’on fait un projet de la sorte, c’est aussi particulier parce que justement, on prend tout très à cœur, on est beaucoup plus sensible à tout, à toutes remarques qu’elles soient positives ou négatives. Parce que ce projet, c’est vraiment nous, c’est nous qui l’avons construit. Ça pointe aussi du doigt quelque chose : on nous demande souvent de faire des propositions, ce qui n’est pas évident en tant que jeune comédien, et encore moins lorsqu’il s’agit d’un metteur en scène très directif. Là, ça nous permet de prendre des initiatives, de découvrir les limites de cette liberté, et de prendre confiance en nous.