[Interview] : 4 anciennes d’Arts en Scène à l’origine du collectif Odradek

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Siegrid Reynaud, Alma Rosenbeck, Eline Vey et Eloïse Plasse sont 4 artistes – récemment sorties de l’école de théâtre Arts en Scène – à l’initiative du collectif Odradek.

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Plutôt que de créer une compagnie chacune de leur côté, les 4 jeunes femmes ont mutualisé leurs envies et leurs connaissances pour créer un collectif, afin d’héberger, développer et diffuser leurs projets artistiques.

Pourquoi avoir choisi de faire un collectif qui regroupe plusieurs projets plutôt que de développer chaque projet de son côté ?

Déjà, parce qu’on a envie de travailler ensemble, tout simplement. Et aussi parce que l’aspect collectif tel qu’on l’a imaginé nous permet à chacune de proposer des projets, de mettre en scène et d’avoir une liberté artistique, le tout dans une seule et même structure.

Le but ce n’est pas de faire tous nos projets ensemble, même si pour l’instant nous en avons plusieurs qui regroupent le noyau dur du collectif, mais de laisser à chacune la liberté de développer ses propres projets, sans pour autant impliquer les trois autres à chaque fois. Cela dit, nous décidons ensemble pour chaque projet si celui-ci sera hébergé par le collectif ou non.

C’est une vraie force pour nous d’avoir créé cette forme de collectif car on peut compter sur les ressources de chacune. On a des personnes sur lesquelles s’appuyer, on se soutient les unes les autres. Ça donne confiance et ça aide d’être solidaire : par exemple quand il s’agit de démarches administratives, parfois on ne comprend pas tout alors on le fait à plusieurs !

« Odradek » : pourquoi avoir choisi ce nom ?

En référence à une nouvelle de Kafka. Elle est très présente dans « Benjamin Walter », la première pièce que nous avons montée ensembles et dans laquelle nous jouons toutes. Dans cette pièce, Odradek est un mouvement de littérature à travers lequel on écrit sur les murs des villes. On aimait cette idée, et en plus c’est un nom qui cache beaucoup de mystère, qui intrigue ; on aimait bien ce que ça dégageait.

A Arts en Scène, vous avez toutes les quatre fait la troisième année, facultative, tournée vers l’insertion professionnelle. En quoi vous a-t-elle été utile dans la construction de votre projet ?

Si on n’avait pas fait la troisième année, je ne sais pas si nous en serions arrivées là en ce qui concerne le format et les personnes avec qui on travaille aujourd’hui. Cette année nous a permis de nous souder en tant que groupe, puis de créer notre collectif. Ça nous a aussi laissé une année supplémentaire pour faire murir notre projet tout en étant accompagnées ! Grâce à l’alternance entre les cours et les projets, on était dans une dynamique où on avait à la fois encore du temps et des occasions pour apprendre, mais aussi des moments pour développer notre projet.

On a vécu cette troisième année comme une année de transition, pendant laquelle on a du faire des choix qui ont fait avancer notre projet. Par exemple, pendant les périodes de création, nous étions en autonomie, c’était à nous de nous organiser, de faire nos choix artistiques. Et même si on pouvait solliciter des professeurs pour un regard extérieur, ça nous a permis d’expérimenter des choses, d’apprendre à être autonomes.

Les cours d’administration culturelle nous ont également aidés : ils donnent des outils, nous permettent de poser des questions ciblées et de comprendre des choses très concrètes qu’on n’apprend pas forcément sur internet ou dans des cours de fac. On avait déjà des cours d’administration culturelle en première et deuxième année, mais c’est vraiment en troisième année que ça prend tout son sens, car ça s’applique à de vrais projets ; nos projets.

Le collectif Odradek vient à peine de naître, et vous avez déjà beaucoup de projets en cours. Vous pouvez nous en parler ?

affiches des 4 spectacles

Benjamin Walter (30 janv – 2 février – Théâtre du Gai Savoir) :

C’est un projet qu’on a monté quand on était en deuxième année à Arts en Scène, dans le cadre des projets accompagnés, d’après un texte de Frédéric Sonntag. C’est l’histoire d’une enquête littéraire à travers l’Europe sur la disparition d’un écrivain, qui s’appelle Benjamin Walter. C’est alors qu’un metteur en scène part à sa recherche, en laissant derrière lui sa troupe de comédien qui essaie de raconter l’histoire de cette disparition. On a décidé de remonter ce projet car on y a tous trouvé du sens, à la fois dans ce qu’il raconte et dans la forme, qui est très dynamique et très ludique. Pour l’instant, c’est le seul projet du collectif dans lequel nous sommes toutes les 4 présentes.

Mise en scène de Siegrid Reynaud

Je réserve ma place pour le spectacle

Coca Life Martin 33cl et les cinq autres (20 – 23 février au Carré 30) :

Nous avons créé cette pièce en fin de troisième année à Arts en Scène, dans le cadre du festival des Exquises Esquisses. Ce projet est né d’une envie de raconter quelque chose de notre monde et ce, de manière collective. Nous sommes partis du texte de Gwendoline Soublin qui s’appelle « Coca Life Martin 33cl », et on a voulu créer un univers, représenté par une île de déchets, dans lequel seraient projetés des personnages qui cherchent à créer des liens, à survivre face au constat de la prolifération des déchets, du monde qui dépérit. On a créé plusieurs petites scènes qui s’enchainent pour la première partie de ce spectacle, qui amènent ensuite le texte de Gwendoline Soublin, puis les personnages se retrouvent autour de ce texte pour le raconter au public et lui faire vivre l’aventure d’une canette de coca. On a eu la chance de reprendre déjà cette pièce en novembre, au théâtre de Chavanoz.

Mise en scène d’Éloïse Plasse

Je réserve ma place pour le spectacle

Macbeth (2 – 5 avril, Théâtre du Gai Savoir) :

Deuxième projet des Exquises Esquisses, en troisième année. Le projet consiste à travailler la pièce de Shakespeare d’une façon un peu particulière : nous avons choisi de jouer les 30 personnages qui traversent la pièce avec seulement 5 comédiens ! C’est plutôt dynamique et ça met à l’épreuve les comédiens en termes d’endurance mais aussi d’enjeux, car ce sont des sujets très forts à défendre comme la mort ou la guerre, qui sont très éloignés de nos préoccupations actuelles et quotidiennes. On est d’ailleurs encore en plein questionnement pour recréer le spectacle pour le mois d’avril et explorer d’autres choses que ce qu’on a fait dans la première version, voir comment s’approprier ces questions, comment les incarner à notre échelle et comment on peut puiser dans les ressources et les moyens qu’on a pour en faire une forme qui nous ressemble. C’est d’ailleurs le plus gros enjeu du moment, car on essaie de trouver des liens entre cette histoire qu’on trouve passionnante et de réussir à raconter, à travers, notre propre histoire.

Mise en scène de Siegrid Reynaud

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Poings (2 – 10 mai dans 3 lieux autour de Grenoble, puis dans un festival en juillet, et à Lyon en septembre 2020) :

Projet monté par Éline, Siegrid et Caroline (conservatoire de Lyon), d’après un texte de Pauline Peyrade. Notre projet a été sélectionné par le dispositif des Envolées, créé pour soutenir la création et accompagner le projet. Ce texte touche beaucoup à l’intime car il parle d’une relation toxique entre une femme et un homme, et permet de s’interroger sur les relations femmes-hommes, et donc de se questionner sur nos propres relations, nos propres vies, et notre rapport au corps. Le texte est à la fois musical et physique, et c’est un aspect qu’on voulait vraiment travailler d’autant plus qu’Éline et Caroline sont danseuses et musiciennes. Cela nous permet de proposer quelque chose de pluridisciplinaire pour parler de ces relations hommes-femmes, à la fois par le biais du  théâtre – les mots, de la danse – le corps, et du son – la musique, qui touche à notre inconscient. C’est important pour nous d’ouvrir le débat, et de se poser la question de comment des violences peuvent s’installer au sein d’un couple sans qu’on en ait conscience.

Vous avez des dates programmées jusqu’en septembre 2020. Avez-vous déjà réfléchi à l’orientation artistique que vous souhaitez donner à votre collectif ?

Même si on y a déjà réfléchi, pour l’instant on se focalise sur nos projets existants pour pouvoir se lancer. On ne veut pas s’enfermer trop vite dans un style ou une thématique particulière. Aujourd’hui on joue des pièces très différentes, autant du théâtre classique que du contemporain, mais on a déjà trouvé des points communs qui lient ces premiers projets, notamment la façon dont nous considérons le théâtre. On veut défendre un théâtre humain, qui met en avant l’acteur ! Nous sortons toutes les 4 d’une école de jeu, du théâtre « dit de l’acteur », et c’est très présent dans les pièces qu’on joue pour le moment. Il y a aussi des choses qu’on veut défendre par la suite, par exemple du théâtre contemporain, du théâtre d’autrice, et il y a des thématiques dont on a envie de parler ; ça ne définit pas tous nos projets mais c’est l’une de nos motivations pour la suite du collectif !

collectif odradek

Axel Zorzi, Thomas Bettencourt, Gabriel Draper, Lucas Noël, Éloïse Plasse, Siegrid Reynaud, Éline Vey et Alma Rosenbeck, pour Benjamin Walter

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